Cd Debussy -Télérama

(La mer, Prélude à l'après-midi d'un faune, Nocturnes)

En moins de trois saisons, Michel Tabachnik a requinqué un orchestre belge en déshérence - l'ancien orchestre de la Radio flamande, rebaptisé Brussels Philharmonic. Offres (une résidence à la Cité de la musique, à Paris) et moyens ont suivi, l'orchestre éditant ses enregistrements sous son propre label, à l'instar du London Symphony Orchestra outre-Manche, ou du Royal Concertgebouw à Amsterdam. Et leur première livraison est un coup de maître, avec un programme Debussy classique, mais exigeant : autour du Prélude à l'après-midi d'un faune, les Nocturnes et La Mer. Cette mer-là n'est pas une gentille mare nostrum aux placides bonaces, mais une onde menaçante, comme celle qui gronde autour du royaume d'Allemonde, dans le Pelléas et Mélisande de Maeterlinck. Mugissement sourd des timbales, plainte aigre du cor anglais, sifflement strident des flûtes indiquent un avis de gros temps. On trouvera une mer plus sereine dans le troisième volet des Nocturnes, Sirènes, où un choeur de seize filles-fleurs aquatiques ourle la vague instrumentale d'un feston vocal voluptueux. « Une agonie grise, doucement teintée de blanc », visualisait Debussy, admirateur des tableaux de Turner et de Whistler. Les tons purs des musiciens du Brussels Philharmonic l'auraient réjoui. (Gilles Macassar, Telerama n° 3197 - 23 avril 2011)