La volière magique

(Schönberg, Stravinski)

C’est un concert qui aurait plu au compositeur ornithologue Olivier Messiaen qu’a dirigé à la tête de son Brussels Philharmonic Michel Tabachnik en conclusion du cycle Schoenberg/Stravinski à la Cité de la musique. La Nuit transfigurée du premier mise à part, encore qu’elle fut parcourue d’effluves subtiles et de chants mystérieux, cette soirée ressemblait, en effet, à une volière magique ! Qu’on en juge : à la rare Suite tirée du Chant du rossignol de Stravinsky succédèrent le célèbre Chant du ramier, sommet des Gurrelieder de Schoenberg, et L’Oiseau de feu.

Les cordes bruxelloises surent creuser l’étrangeté de l’atmosphère nocturne et oppressante imaginée par le Schoenberg d’avant le dodécaphonisme, faisant de cette Nuit transfigurée moins un adieu à la vieille tonalité que l’avènement de l’esthétique de la Sécession viennoise. A la fois méticuleux et passionné, le chef suisse a le sens des styles et a deviné que les vraies révolutions précèdent parfois l’invention des moyens techniques qui en deviendront plus tard le symbole. De même dans l’envol de l’Oiseau, il saura trouver les prémices rythmiques et harmoniques du futur Sacre du printemps au milieu des influences de Debussy et de Rimski-Korsakov.

La magnifique voix de mezzo de la Néerlandaise Wilke te Brummelstroete a admirablement traduit la tonalité wagnérienne du chant désespéré du ramier accompagné à souhait par une poignée de solistes de la formation bruxelloise. On demeure admiratif devant la maîtrise de Michel Tabachnik et l’on regrette de ne pas plus souvent l’entendre diriger les pièces de son ami Iannis Xenakis dont il est à ce jour le seul à détenir les secrets d’interprétation. Ne serait-ce que pour passer le flambeau à la génération montante… (Jacques Doucelin, Concertclassic.com, 15 avril 2013)